Jérémie Léon
En 2019, je suis à Los Angeles dans
l'État de la Californie et j'arpente les alentours de son fleuve
toponyme, décor de nombreuses fictions hollywoodiennes. Les
représentations de la cité des anges, de l'excès de son modèle
urbain fascinent, interrogent et convoquent mon besoin de me
confronter à ses paysages et ses non-lieux.
La Los Angeles River est devenue un
canal en béton rectiligne, traçant un lit sans méandre, jusqu'à
l'océan Pacifique et au port de Long Beach. Elle fait figure
d'installation industrielle. Le canal est vu, vécu comme un conduit
d'eaux usées, polluées, longeant (infra)structures routières,
ferroviaires, électriques, entrepôts et industries. Il symbolise la
frontière entre quartiers est et ouest, entre quartiers populaires
et privilégiés. Le fleuve est à sec, ainsi que les nappes
phréatiques associées. Un mince cours d'eau, ruisseau intermittent,
coule au milieu du béton.
Dans cette ville post-moderne, exempte
de centre, éloge des flux autoroutiers, des interminables boulevards
et de l'étalement des suburbs, le piéton est marginal, illégitime,
voire suspect. Pouvoir déambuler dans le lit
artificiel du fleuve, faire disparaître la ville de son champ de
vision devient une respiration. Le lieu est rempli d’imaginaires et
de possibles. C'est d'ailleurs là, dans le lit artificiel du fleuve,
que se construit une prise de conscience écologique en même temps
qu'un droit à la ville; une certaine ré-appropriation de l'espace
public.